Pourquoi parler aux enfants des risques d’abus sexuels est important ?

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Cet article, rédigé en 2013, demeure tristement pertinent aujourd'hui. L'apparition de nombreux ouvrages, le partage de témoignages personnels, ainsi que le mouvement #MeToo, ont grandement favorisé une meilleure prise de conscience collective. Fort heureusement, l'attitude des parents, des médias, et de la société en général est aujourd'hui plus déterminée et nettement plus marquée. Le fardeau de la honte et de la culpabilité a heureusement basculé du côté de l'abuseur, mais la vigilance reste de mise. Plus que jamais, il est de notre devoir, de protéger nos enfants.

   PRÉVENIR  +  PROTÉGER                =                  SAUVER UN ENFANT

         

 I. Pourquoi faut-il parler des risques d’abus sexuels aux enfants ?  

 
  Les abus sexuels ne se commettent pas seulement dans les milieux défavorisés, n’importe quel enfant, de n’importe quel milieu, peut en être victime (l’enfance en danger), 80% des abus ont lieu à domicile, 7,5% sont des incestes et 3,3% sont perpétrés dans le milieu scolaire ou parascolaire.
 
 1. La première chose à savoir est qu’un enfant ne sait pas ce qu’on ne lui a pas appris. L’être humain apprend par la connaissance théorique et par l’expérience. Un enfant va, dans la mesure où il n’a ni la connaissance, ni l’expérience, faire confiance à un adulte, même s’il sent confusément que quelque chose ne va pas. L’envie de découvrir quelque chose qu’il ne connait pas, la peur, le désir de faire plaisir, ou l’incapacité de dire non, surtout s’il s’agit d’un proche, va l’emporter. Il va accepter de se laisser faire, le plus souvent sans rien dire à son entourage.
 
 2. C’est pour cela qu’il est important de donner à un enfant, une information qu’il peut intégrer avec le niveau de compréhension qui est le sien, comme on le fait normalement quand on veut le protéger. Cela, de la même manière qu’on lui recommande de bien regarder quand il traverse la rue, de faire attention aux voitures et d’attendre le feu rouge.
 
3. Pour sa protection, il apparaît dès lors logique de lui expliquer et de lui faire part des risques d’abus sexuels. Surtout de lui dire qu’un enfant n’est jamais coupable et que ce n’est jamais de sa faute, mais toujours de la responsabilité de l’adulte. Que les adultes qui utilisent les enfants et les touchent dans certaines parties de leur corps n’en ont pas le droit et sont des 
pédophiles. 
 

La pédophilie est un crime puni par la loi

Un enfant n’est pas un partenaire sexuel !

 
 

II Halte au silence !

Halte au silence

 
Le plus souvent, la honte des adultes, la peur du qu’en- dira-t-on seront supérieures à la détresse de l’enfant.  Beaucoup préfèreront ne pas le croire ou faire l’autruche, penser que ça va passer et que l’enfant oubliera avec le temps.
 
Non! il n’oubliera pas, pire encore, le fait de ne pas être cru et entendu va provoquer un traumatisme secondaire, pire encore dans son  cerveau. Ce traumatisme secondaire va laisser une marque au fer rouge qui le hantera toute sa vie et fera des dégâts considérables dans son psychisme. La gravité des séquelles sera à la hauteur de l’impact émotionnel ressenti au moment de l’abus.
 
Le silence de ceux censés le protéger ne fera qu’augmenter la détresse de l’enfant. Le sentiment qu’il n’a pas de valeur, qu’il est seul face à une situation qu’il ne peut absolument pas gérer, qu’il est sale et coupable va s’installer de façon durable dans son cerveau. Ce silence va de plus renforcer l’impunité et valider l’abuseur dans sa capacité à continuer et à récidiver.
 
 

III Comment parler des abus sexuels à un enfant sans le choquer ? 

On peut d’abord parler à l’enfant de façon positive de la sexualité en général. On peut lui expliquer que son corps d’enfant va grandir et devenir adulte et qu’en tant qu’adulte, il sera plus tard capable de faire des bébés. Les explications peuvent être données d’une voix calme et rassurante, sans en rajouter ou faire peur :
 
      1. Si un enfant a besoin de câlins et de bisous de ses parents et de son entourage pour se sentir aimé, il y a des endroits de son corps qu’on ne peut pas toucher, que son corps lui appartient, qu’il a le droit de dire non si on le touche à ces endroits-là.
 
       2. Malheureusement, il arrive que certains adultes agissent avec un enfant comme si cet enfant était un adulte, et le trompe en lui faisant croire qu’il s’agit d’un nouveau jeu. Cela peut lui faire beaucoup de mal et ce n’est pas normal. C’est très grave et puni par la loi.
 
        3.  Si cela arrivait, il aurait  le droit de crier, mordre, griffer, s’enfuir et  devrait immédiatement le dire à un adulte en qui il a confiance. Cet adulte l’écoutera, le croira et mettra immédiatement tout en œuvre pour le protéger.
 
        4.  ll est très important de lui expliquer la différence entre un bon et un mauvais secret, car le secret est la tactique favorite des abuseurs sexuels. « Chut, c’est un secret entre nous, surtout ne dis rien à personne ». Afin qu’il comprenne bien qu’un secret qui provoque du stress, qui fait du mal et fait peur, n’est pas un bon secret. Ce n’est pas un secret à garder. Il vaut mieux en parler avec un adulte en qui il a confiance, et qui l’aidera à faire la différence !
 
          5. La sexualité est quelque chose qui se passe entre deux adultes qui le veulent tous les deux, et certainement pas entre un adulte et un enfant.
 
 

IV Aidez le et apprenez lui à se respecter, à respecter son corps et son intimité !

Cela lui permettra plus facilement de comprendre si il est face à un pervers.
 
En Fixant des limites claires entre les membres de la famille : On frappe avant d’entrer dans les chambres des parents et des enfants, quand la porte est fermée. Personne ne se promène en petite tenue ou nu dans la maison.
 
Voir son père, sa mère, son frère adulte, son oncle se promener nu peut être traumatisant pour un enfant, peut fausser sa perception du corps et créer des sentiments de dégoût, de honte et le sentiment de ne pas avoir été respecté.
 
De plus, cela risque de marquer négativement sa future sexualité d’adulte, car  son cerveau n’a pas la maturité suffisante pour être confronté à tout ce qui concerne la nudité des adultes ou la sexualité.
 
En évitant de jouer à des jeux de touche-touche et en respectant ses parties intimes. Si l’enfant demande à voir celles de ses parents ou d’un adulte, ou veut toucher, il suffit simplement de lui dire non et de repousser sa main en lui expliquant que ce sont des endroits strictement privés qui n’appartiennent qu’à soi et ne se montrent pas par pudeur. C’est pareil en ce qui le concerne.
 
Si à partir de 5 ans, l’enfant veut prendre son bain tout seul, et ne veut plus le prendre avec un de ses parents, ou ne veut plus se montrer nu,  en acceptant de lui reconnaître le droit d’avoir une intimité, vous lui permettrez d’apprendre à fixer des limites, et aussi à se faire respecter et à se respecter.
 
Les petites filles et les petits garçons disent souvent « Je me marierai avec papa ou maman quand je serai grand(e) ». En leur expliquant que leur papa est le mari de leur maman et vis et versa et qu’on ne peut épouser ni son père, ni sa mère, mais qu’à l’âge adulte, ils rencontreront à leur tour la personne qui leur convient et se marieront.
 
Vous leur apprendrez à fixer des limites et à intégrer très tôt qu’il ne peut pas y avoir de relation amoureuse ou d’attouchement entre parents et enfants, ou enfants/adultes.
Vous pouvez aussi profiter d’un article, d’un débat, d’un livre, pour expliquer à l’enfant que si cela lui arrivait,qu’ il pourrait vous en parler. Cela l’encouragera s’il en a besoin.
 
 

V. Qui sont les abuseurs ?

 
 
 
 
 
 
 
Les abus sexuels se commettent hélas, souvent au sein même de la famille. L’abuseur est souvent quelqu’un de gentil que l’enfant connaît et aime bien.
Cela crée un paradoxe et un conflit interne, car l’enfant ne comprend pas très bien ce qui lui arrive.
 

a) L’abuseur dans la famille 

 
L’inceste se passe souvent entre le père, le beau père, le grand-père ou l’oncle et l’enfant. La victime type a entre six et 10 ans. L’abus dure jusqu’à l’adolescence, mais peut se prolonger s’ il y a d’autres enfants et que l’ainée veut protéger ses petits frères ou sœurs.
 
L’abuseur est souvent quelqu’un que tout le monde apprécie. En parler avec l’enfant sans tomber dans la paranoïa est important, car tous les pères et tous les beaux-pères ne sont pas des abuseurs. On peut faire de gros câlins à un enfant, et il en a besoin pour le développement de ses liens affectifs, le toucher dans ses parties intimes pour satisfaire des perversions est une autre chose.
 
Expliquez clairement à votre enfant les limites à ne pas dépasser, et soyez vigilant si il change brusquement de comportement sans raisons apparentes, si il refuse d’aller quelque part alors qu’il y allait avant avec plaisir, si il redevient sale (pipi au lit, ou fait sur lui), saignements dans les toilettes, ou si il devient caractériel alors qu’il était gentil, si ses résultats scolaires chutent, etc. Etablissez une zone de confiance avec lui pour qu’il puisse vous parler sans peur si c’est nécessaire, et surtout assurez lui que vous êtes là pour lui et que vous allez le protéger.
 

b) L’abuseur ami

 C’est un ami proche de la famille, il rend beaucoup de services et est très intéressé par l’enfant et ses progrès. Il propose volontiers d’aller le chercher à l’école ou de le garder. Il est très gentil avec l’enfant et s’en occupe bien, un peu trop bien… Soyez vigilant face aux personnes qui aiment passer beaucoup de temps seuls avec des enfants. Exigez de votre enfant qu’il vous dise si et de qui il a reçu des cadeaux, jouets ou bonbons, ou si quelqu’un lui a demandé de garder un secret qui le met mal à l’aise.
 

c) L’abuseur inconnu

L’enfant ne le connaît pas, il est rusé et attire l’enfant dans la rue en lui promettant des jouets, des bonbons, de venir jouer avec son chat ou son chien chez lui, ou attise sa curiosité. Certains vont même jusqu’à dire à l’enfant que ses parents ont eu un accident et qu’ils vont l’emmener les voir à l’hôpital, ou que ses parents l’ont envoyé le chercher pour le ramener à la maison !
Si vous ne dites pas à votre enfant de ne jamais suivre un inconnu, il le croira, quoi qu’il dise, car c’est un adulte !
 

d) L’abuseur sur internet

Il ment sur son identité et ses intentions réelles et sévit sur le net. Selon une enquête Ipsos/e enfance, un tiers des enfants et ados de 9 à 17 ans ont été confronté à un problème sur internet. Dans le cadre de cette enquête il ne s’agit pas seulement d’abus sexuels, mais aussi d’autres situations délicates auxquels les jeunes peuvent être confrontés sur internet. Dans la brochure disponible sur :
 
http://www.e-enfance.org vous trouverez des conseils et un numéro vert gratuit est à votre disposition sur net ecoute.fr au 0800 200 00
 
      S’il vous plait, ne laissez pas vos jeunes enfants surfer seul sur Internet !
 

 

VI. Pourquoi les enfants victimes d’abus sexuels ne disent rien ?

Tout enfant, quel que soit son milieu peut être un jour confronté ou victime d’abus sexuels. Les enfants qui sont en mal d’affection et de tendresse et ceux avec lesquels on n’a jamais abordé le sujet sont potentiellement plus enclin à être des victimes de choix. L’abuseur va utiliser la fragilité de l’enfant et son besoin d’affection en lui donnant de la tendresse. Hélas, pas celle dont il a besoin !
 
L’enfant trompé et abusé se croit aimé, car l’abuseur est souvent très gentil et lui consacre du temps, lui offre des bonbons ou des cadeaux. C’’est volontiers qu’il va participer aux jeux pervers de l’abuseur, qui très rapidement va lui demander de le toucher, et/ou va lui toucher les parties intimes.
 

L’étau se referme alors sur l’enfant qui se retrouve piégé dans un jeu où il va tantôt se sentir mal à l’aise, tantôt éprouver du plaisir, parce qu’on stimule ses zones érogènes ou qu’on le caresse. C’est physiologique et normal d’avoir du plaisir quand on stimule des zones érogènes, même celles d’un enfant !

 
La honte d’avoir éprouvé du plaisir va être aussi un traumatisme qui va engendrer une énorme culpabilité, car l’enfant sent confusément que ce n’est pas bien. Mais il n’osera rien dire à cause de la peur, la culpabilité ou la honte que l’abuseur va lui inculquer en faisant du chantage affectif. Surtout si il s’agit d’un proche. Les phrases types :«si tu le dis, j’irais en prison », «c’est notre secret à tous les deux, personne ne doit le savoir», ou dans le cadre d’un ‘ami’ de la famille : «on ne te croira pas», «c’est ta faute », «c’est toi qui m’as provoqué», «tu as accepté et tu aimes ça».
 
L’enfant pris au piège dans la toile d’araignée tissée par l’abuseur ne dira rien et protégera son agresseur. Il restera totalement sous son emprise en endossant la responsabilité de la faute. Il aura en même temps peur de ne plus être aimé, peur d’être puni ou rejeté si cela venait à se savoir.
 

En conclusion et sans forcément voir le mal partout, car il y a heureusement une grande majorité d’adulte qui aiment et protègent les enfants, un enfant averti sera capable de dire non ! Il  parlera avec les adultes en lesquels il a confiance, et aura beaucoup moins de risque d’être victime d’un pédophile.

 
Marie-Agnès Thulliez

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Marie-Agnès

Marie-Agnès

Marie-Agnès Thulliez, Docteur en Neurosciences cognitives, Psychotraumatologue,  Praticien certifié EMDR Europe sénior, exerçe en cabinet depuis 2003. Elle est également formateur en stratégie d'apprentissage depuis plus de 20 ans.

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